Entretien avec Arsène Lambrecht

 

Bonjour Arsène, commençons d’abord par les présentations, qui es-tu en quelques lignes ?

J’ai vingt-quatre ans, je suis doctorant en deuxième année de thèse à l’université de Dijon. Je suis aussi l’auteur de la Séance de Spiritisme chez Madame Constantin, qui paraît aux Éditions Les Titanides.

 

Ton lien avec la lecture, il a commencé comment ? Est-ce qu’il y a une œuvre qui t’a particulièrement marqué ?

Il est surtout arrivé tard ! Enfant je ne lisais pas du tout, j’assimilais ça à l’ordre du scolaire, du « devoir », et donc de la corvée – au grand désespoir de mon père, d’ailleurs. J’avais ma Gameboy, mon jeu Pokémon Émeraude, et c’était à peu près à cela que se limitaient mes passions. Je faisais également beaucoup de musique, car j’étais inscrit au Conservatoire, ce qui, également, s’apparentait pas mal à une corvée. Aussi je ne voyais absolument pas l’intérêt de lire quand je pouvais regarder un film à la place. J’ai passé des heures et des heures à regarder des cassettes enregistrées de vieilles adaptations des Trois Mousquetaires ou de tous ces autres films de cape et d’épée où jouait Jean Marais, ou bien des premiers James Bond ; les Star Wars, Willow, etc. Très peu de dessins animés, finalement, que je n’aimais pas vraiment.

En revanche, je jouais beaucoup dehors. Nous avions un grand jardin, plein de cachettes et de recoins très propices aux histoires de chevaliers et d’agents secrets que nous inventions avec mon frère. 

Finalement, le premier livre que j’ai lu en entier et par moi-même, c’est un Agatha Christie : Meurtre au Champagne, je devais avoir treize ou quatorze ans. 

Enfant (vers dix ans), j’avais fait plusieurs tentatives avec Agatha Christie, encouragé par mes parents qui en avaient une belle collection à la maison. Comme ils regardaient les téléfilms avec David Suchet lorsqu’ils passaient sur TMC, je connaissais déjà bien Hercule Poirot, même si je n’y comprenais pas grand-chose. Plusieurs que nous avions regardés m’avaient fichu une sacrée trouille, et je crois que je me souviendrai toute ma vie de la scène dans Meurtre en Mésopotamie où Hercule Poirot tente de faire parler une dame empoisonnée à l’acide : dans un dernier soupir, la bouche en sang, elle murmure « la fenêtre… », ou encore la mort de la victime dans Témoin Muet où la vieille dame s’écroule devant les regards surexcités de deux sœurs un peu anxiogènes versées dans le spiritisme et qu’une espèce de nuage vert s’échappe de sa bouche. 

Meurtre au Champagne était l’un des préférés de ma mère, elle l’avait toujours décrit comme « impossible à transposer en film », et cela m’intriguait énormément ! Un jour que j’étais en Allemagne à l’occasion d’un échange et que je m’ennuyais profondément, j’ai donc sauté le pas et décidé de me plonger dedans. Ça a été une révélation ! J’avais plus ou moins découvert qui était le.s coupable.s (l’identité mais pas le procédé), et ça m’avait énormément plu ! J’avais adoré les personnages, l’intrigue, et même si j’avais plus ou moins deviné la fin, m’exclamer dans ma tête pour la première fois : « MAIS C’EST BIEN SÛR ! » a été l’un des plus grands plaisirs de lecture de ma vie. À partir de là, j’ai commencé à les lire à la chaîne tout en regardant, en parallèle, les fameuses adaptations avec David Suchet que j’étais maintenant en âge de comprendre. 

Plus tard, quand il ne me resta plus d’Hercule Poirot à lire et que je les ai tous vus au moins cinq fois à la télé, je me suis intéressé à autre chose. Une professeure avait organisé des espèces d’ateliers lectures en distribuant à la classe, par petits groupes, différents romans qu’il faudrait expliquer aux autres à la fin du trimestre. Je suis tombé sur La Ferme des Animaux que je n’avais pas du tout aimé, mais j’ai surtout découvert Farenheit 451, 1984 et d’autres, et en remontant petit à petit je suis arrivé à des œuvres de plus en plus « sérieuses ». 

En seconde j’ai découvert Baricco, ça a été une nouvelle révélation, et puis plus tard Hemingway, qui, encore aujourd’hui, est peut-être l’auteur qui me touche le plus.


Qu’est-ce qui t’a décidé un jour à prendre la plume ?

Je n’aimais peut-être pas lire, mais j’ai toujours aimé écrire ! J’imagine que cela avait beaucoup à voir avec ma passion d’inventer des histoires. D’aussi loin que je me souvienne, les devoirs que je préférais à l’école étaient les rédactions où l’on nous demandait d’inventer quelque chose. Malgré tout, je pense que le déclic est venu en classe de quatrième, un jour où ma professeure de français nous avait demandé d’écrire une « nouvelle fantastique ». Après j’ai continué d’écrire pour mon plaisir : des histoires policières, des histoires de fantômes, d’autres choses quand l’inspiration me venait. 

Après le baccalauréat, je suis allé faire du droit sans avoir vraiment l’idée d’y consacrer ma vie. J’avais un rêve ancré en moi depuis le lycée : devenir écrivain. À côté des études, je suis retourné à mes histoires de fantômes et j’ai persévéré. 

À défaut de devenir écrivain, je voulais devenir professeur à l’université. Je n’avais pas aimé l’école, mais l’enseignement m’attirait énormément. En terminale, j’avais pensé devenir professeur de lettres, mais, c’est peu de le dire, mes parents ne furent pas très enthousiastes. En deuxième année j’ai donc décidé qu’après le master je tenterai l’aventure de la thèse. Et voilà où j’en suis aujourd’hui ! Mon premier roman est publié alors que je débute ma deuxième année de doctorat !


Tu es un véritable amateur des Agatha Christie, qu’est-ce que tu aimes dans ces œuvres ?

Trois choses. Les détectives : Hercule Poirot et Miss Marple – mais Hercule Poirot surtout – font tous deux partie de mes personnages de fiction préférés. J’ai passé tout mon lycée à les regarder sur mon ordinateur ou à piétiner devant TMC pour suivre leurs aventures, tout en passant mes étés à lire ceux qui ne passaient pas à la télé.

Les mystères : c’est tout le sentiment de se dire « quelque chose que je ne comprends pas advient, je veux comprendre quoi. » Et tout cet aspect un peu théâtral qui fait le charme des livres. Agatha Christie a toujours été très proche du théâtre : elle a écrit des pièces, plusieurs de ses romans traitent du théâtre ou incluent des comédiens, et il y a toujours cet aspect un peu « grandiloquent » ou très « dramatique », surtout vers les derniers, où les meurtres à résoudre aboutissent presque toujours à un cas de conscience terrible mettant en cause des personnages toujours un peu (trop ?) grandioses. 

 

Comment t’est venue l’idée de Séance de Spiritisme chez Madame Constantin ?

Quand j’ai commencé à l’écrire, pendant mon master, je lisais très peu de divertissement. J’en étais déjà à un stade de mes cours où la spécialisation a pointé le bout de son nez, à un moment, donc, où l’on ne fait plus que du sérieux. Mais impossible de trouver des « romans de divertissement » qui me plaisent. J’ai cherché et cherché, demandé à des libraires, j’ai même acheté ce que l’un d’eux a appelé « un livre sur les livres », une petite anthologie du roman fantastique du XXème siècle, mais impossible de trouver. Il faut dire que j’avais quelque chose de très précis à l’esprit : je voulais un roman policier dans la veine d’Agatha Christie – car il m’est apparu que je n’aimais pas les romans policiers qui ne sont pas d’elle (Maigret m’apparaissait trop « dur » pour être qualifié de divertissement) – et où il serait question de fantastique, de fantômes en général. Eh bien : chou blanc. Toujours, on m’a répondu que cela n’existait pas. « Très bien, » me suis-je dit « on va remédier à ça ». C’est exactement comme ça qu’est née la Séance de Spiritisme chez Madame Constantin : de la volonté d’écrire un roman policier léger, très « années 50 », avec des fantômes.

Bref, je me suis imaginé à quoi ressemblerait un Agatha Christie si elle avait décidé d’accorder une vraie place au fantastique dans ses romans, si le fantastique représentait le cœur de l’intrigue, et pas simplement un contexte.

 

Quelles sont tes méthodes d’écriture ?

Déjà, il y a toute la partie « avant » l’écriture. Je réfléchis et réfléchis des heures à une histoire que je veux écrire, je ne commence jamais rien sans avoir préparé de fond en comble une intrigue. Je fais un plan. Un plan qui n’est qu’une ébauche, un squelette encore très malléable qui changera très probablement, mais je déteste « écrire à l’aveuglette », d’ailleurs, j’ai déjà eu l’occasion d’essayer « l’improvisation théâtrale », ça a été une catastrophe absolue (je pense qu’il y a un lien). 

J’ai besoin de savoir qui sont mes personnages, quelles seront les péripéties, comment se passeront les meurtres, comment l’on découvrira leur auteur, surtout, je ne commence jamais sans avoir une idée très claire du début, des premiers mots, et des derniers mots du récit. Ce qui a tendance à me marquer le plus, dans un roman, c’est sa fin. Ce moment où l’on se dit « c’est fini » et où l’on voit s’éloigner les personnages qui continuent leur chemin. Globalement, c’est toujours l’idée de la fin qui me motive à écrire.

Une fois que je sais comment commencer, et surtout où je vais terminer, je me lance. Je peux écrire dans toute sorte de condition, seulement je n’aime pas trop être interrompu quand je suis « dedans », j’ai tendance à perdre le fil, oublier des morceaux que j’avais en tête. Le plus important, quand j’écris, c’est que je sois en forme : quand je suis fatigué, je n’arrive à rien. 


Tu as certainement déjà d’autres projets en tête ?

Oui, BEAUCOUP ! D’abord, j’aimerais poursuivre mes « Aventures Surnaturelles », comme je les appelle, j’ai déjà prévu deux aventures supplémentaires à la série : le prochain se passera dans un hôtel isolé en Savoie, sous la neige, et celui d’après dans une vieille ferme perdue dans les marais du Cotentin ! mais je n’en dis pas plus… 

Déjà, j’aimerais surtout terminer le roman sur lequel je travaille depuis bientôt deux ans. C’est un roman beaucoup plus personnel que j’aie vraiment à cœur. Bien sûr, il s’agit toujours de fantastique, d’un nouveau roman policier qui aurait pour personnage principal un gentil inspecteur rêveur, mais dans un registre plus sombre, plus gothique. 

 

Si tu devais emporter un seul livre sur une île déserte, ce serait quoi ?

Premièrement je répondrai : « est-ce que les Pléiades comptent comme des livres ? » Si oui, je pense que j’emporterai le numéro 2 de la Pléiade de Joseph Conrad, qui est de plus en plus en concurrence avec Hemingway pour la place « d’auteur préféré ». Si non, je pense que ce serait Le Capitaine Fracasse, de Théophile Gautier ! 

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